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23/12/2022

Luxembourg

Comment l’architecture forge-t-elle l’identité de la ville?

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#Luxembourg #Immobilier #INOWAI

Comment le patrimoine architectural d’une ville participe-t-il à son identité et comment l’entretient-on? Entre esthétique, enjeux fonctionnels et rentabilité économique, comment s’articulent les priorités? Shaaf Milani-Nia, chef du service Urbanisme de la Ville de Luxembourg, et Vincent Bechet, président exécutif d’INOWAI, évoquent ces considérations.


Lorsque l’on demande à Shaaf Milani-Nia, chef du service Urbanisme de la Ville de Luxembourg, quel est le rôle de l’architecture à l’échelle d’une ville, elle répond sans détour: «C’est ce qui permet d’affirmer que vous êtes à Luxembourg et pas à Bruxelles, que vous vous trouvez dans un quartier et pas dans un autre.» L’architecture, entre autres éléments, participe à l’identité d’une ville, d’un quartier, d’un lieu, à son développement. «Elle ne détermine pas à elle seule l’identité d’une ville, mais elle y contribue», précise Shaaf Milani-Nia.

Une ville aux multiples visages


Dès lors, si Paris est réputée pour ses immeubles haussmanniens, on peut se demander comment se distingue Luxembourg sur un plan architectural. «Ce qui caractérise notre ville tient à son histoire millénaire, dont la continuité s’exprime à travers les styles architecturaux qui s’y côtoient, poursuit la chef du service Urbanisme. Entre le centre historique, aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’Unesco, et le quartier européen, tous deux connectés par le pont Grande-Duchesse Charlotte surplombant la vallée, Luxembourg se distingue par cette covisibilité exceptionnelle.»

À Luxembourg, en effet, les quartiers sont souvent séparés par une vallée et reliés par des ponts. À chacun son style, son esprit, sa singularité. Le centre historique se distingue du Limpertsberg ou encore de Bonnevoie. Le concept de «multiplicity», qui soutient la communication de la Ville de Luxembourg, se décline dans l’architecture et l’urbanisme à travers chaque quartier.

Continuité et rupture


«Quand certains verront le pont comme un élément assurant la continuité entre les quartiers, d’autres considéreront la vallée en tant qu’élément de rupture, commente Vincent Bechet, Partner & Co-Founder d’INOWAI. Dans nos métiers de l’immobilier, on a tendance à aimer mettre les éléments dans des cases. Au Luxembourg, le découpage de la ville est profondément marqué. Le boulevard Royal, ce n’est pas l’avenue de la Liberté, et ce malgré le pont Adolphe qui relie directement ces deux voies historiques de la ville.»

L’histoire de la ville se lit à travers son architecture, les époques s’exprimant par strates. «À travers elle, on peut déterminer d’où l’on vient, pour mieux envisager où l’on va», commente Shaaf Milani-Nia.

Beau, fonctionnel ou rentable?


Le futur architectural de la ville est-il pour autant orienté? «Luxembourg n’a pas d’ambition architecturale déterminée», répond la chef du service Urbanisme. La municipalité n’en est pas moins attentive aux développements envisagés sur son territoire. Seulement, l’architecture n’est pas ce qui doit prioritairement orienter les développements à venir. Les besoins fonctionnels, comme l’urgence actuelle de créer du logement, les enjeux environnementaux, économiques ou encore de diversité, priment le plus souvent sur des considérations esthétiques.

D’un promoteur à l’autre, l’équilibre entre ces diverses considérations peut considérablement varier. Souvent, la recherche de rentabilité prendra le dessus sur les aspects ornementaux. Beaucoup, dès lors, ont tendance à aller au plus simple, au moins cher, en cherchant à maximiser les marges. «À l’excès, cela crée des quartiers uniformes, qui se ressemblent tous, commente Vincent Bechet. Il suffit de se rendre à Berlin-Est pour se rendre compte d’une pratique architecturale industrielle. C’est terrible.» L’expression architecturale originale, au contraire, contribue à la diversité des quartiers. Aussi, il est important de laisser aux architectures une réelle liberté.

La valeur de l’esthétique


Si l’architecture participe à l’identité d’une ville, à la diversité d’un quartier, contribue-t-elle à la valorisation d’un bâtiment? «C’est toujours une question d’offre et de demande, commente Vincent Bechet. Dans les années les plus folles, tout se vendait. Aujourd’hui, la situation du marché est plus tendue. Les acheteurs, s’ils en ont les moyens, sont déjà contents de trouver un bien. La hausse des coûts et des taux d’intérêt invite les promoteurs à être attentifs à leurs marges. Toutefois, sur certains biens, considérant la compétition qu’il peut y avoir entre investisseurs, l’architecture peut faire la différence.»

À Luxembourg, le service Urbanisme entend laisser toute la liberté aux architectes de s’exprimer. Sa responsable, d’ailleurs, témoigne du risque qu’il y a à établir un cadre trop prescriptif. «Par le passé, on a vu le cadre définir la norme», explique-t-elle, se remémorant l’époque où la plupart des architectures intégraient les mêmes saillies simplement parce que la réglementation fixait des dimensions maximales.

S’il est indispensable d’établir un cadre, celui-ci ne doit donc pas entraver de manière trop contraignante la liberté de l’architecte. À la contrainte, la Ville semble préférer le dialogue. «Chaque architecte peut porter une vision, qui n’est pas forcément la nôtre. Ce qui nous importe, c’est que l’on tienne compte du contexte sans que l’on devienne le contexte», commente la responsable.

Encourager le dialogue


Les autorités veillent à cette intégration harmonieuse, invitant au dialogue avec les promoteurs.

Il est d’ailleurs réjouissant de constater que tous les promoteurs ne vont pas forcément au moins cher et au plus simple. «Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des propriétaires ou des vendeurs proposer un concours d’architecture», commente Shaaf Milani-Nia. Ce sont des pratiques que l’on ne voyait pas forcément par le passé. Elles permettent notamment d’engager une réflexion autour du projet à mettre en œuvre, en considérant d’autres enjeux que l’optimisation des mètres carrés disponibles. Elles sont aussi des occasions de nourrir la réflexion. «À la suite du concours d’architecture relatif au nouveau siège d’ArcelorMittal, le maître d’ouvrage a engagé un dialogue avec la Ville autour du projet sélectionné pour obtenir son point de vue. Ce fut l’occasion pour madame Polfer de suggérer des améliorations au niveau de la façade de l’immeuble orientée vers le centre historique, explique la responsable du service Urbanisme. L’échange a permis au porteur du projet de prendre conscience de l’importance d’une perspective qui n’avait suffisamment pas été prise en compte.»

S’intégrer plus que se démarquer


Qui plus est, c’est au fil des concours que se révèlent les bons projets. Vincent Bechet, d’ailleurs, a pu prendre part à plusieurs d’entre eux, comme le concours qui a couronné le projet Infinity, qui accueille les visiteurs du quartier européen en provenance de la ville, ou encore celui de reconversion de Royal-Hamilius. «Ceux qui l’emportent sont le plus souvent ceux qui tiennent compte du contexte, qui veillent à une intégration harmonieuse dans le tissu urbain existant, commente-t-il. Lorsque l’architecture cherche avant tout à bousculer les codes, cela passe rarement.» Et madame Milani-Nia de rappeler que le meilleur projet architectural «est celui qui parvient à intégrer au mieux les aspects esthétiques, fonctionnels et économiques sur une surface donnée».

L'Observatoire de l’Immobilier

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