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03/01/2022

Immobilier

"La crise du logement n’est pas propre au Luxembourg" François TRAUSCH, CEO Allianz Real Estate

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#Immobilier #Luxembourg

La problématique du logement soulève beaucoup de questions au Luxembourg, avec notamment une forte accélération de la hausse des prix ces dernières années. La tendance ne relève toutefois pas d’une spécificité luxembourgeoise, selon François Trausch, CEO Allianz Real Estate. Même s’il est vrai, à ses yeux, qu’au Luxembourg, la pression sur l’immobilier se fait un peu plus ressentir qu’ailleurs.


Cela fait maintenant plusieurs années que de nombreux acteurs s’interrogent sur l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel au Luxembourg. Ces deux dernières années, leur hausse s’est considérablement accélérée, avec une progression annuelle bien au-delà de 10%.
A l’occasion du Paperjam Real Estate Seated Dinner, INOWAI a invité François Trausch à partager sa vision du marché. Le CEO d'Allianz Real Estate, gérant un portefeuille de 79,2 milliards d’euros à fin septembre 2021, était bien placé pour repositionner le Luxembourg dans un contexte plus global. « Je ne pense pas que sur l’immobilier résidentiel, on puisse parler d’une spécificité luxembourgeoise, explique-t-il d’emblée. La hausse des prix de l’immobilier s’exprime autour des nombreuses métropoles européennes, et ce en raison de plusieurs facteurs : la compression des taux, l’urbanisation croissante ou encore la transparence accrue du marché de l’investissement relatif à l’immobilier. »

Une tendance globale à la hausse


La conjugaison de ces facteurs rend l’immobilier, et plus particulièrement les biens résidentiels dans les grandes métropoles, de plus en plus attractif pour les investisseurs. « De manière mécanique et pour toutes les classes d’actifs, une compression des taux entraine une augmentation des prix. Or, en raison des politiques monétaires appliquées actuellement, le maintien de taux directeurs bas et l’injection de liquidités importantes depuis plusieurs années par les banques centrales, nous assistons à une compression des taux, explique François Trausch. Plus les taux sont bas, plus l’effet d’une compression des taux sur les prix est important. Une compression des taux de 3 à 2 % aura un impact plus important qu’une compression de 5 à 4 %. Et si cela est vrai pour toutes les classes d’actifs, ça l’est plus encore pour l’immobilier, considéré comme un investissement défensif dans un contexte incertain. »

Si l’on s’attarde un peu sur l’urbanisation, à travers le monde, François Trausch constate l’attractivité grandissante des grandes métropoles, qui deviennent de plus en plus importantes. « Les personnes, surtout les jeunes, bougent des villes moyennes vers des métropoles plus importantes. On voit cela au Japon, en Suède et dans de nombreuses autres parties du monde. A ce phénomène, s’ajoute une tendance à l’augmentation des foyers, parce que l’on se marie plus tard, ou plus du tout, parce que l’on choisit davantage d’être en couple en gardant des logements séparés. On s’éloigne de plus en plus du modèle classique, une famille un foyer, avec beaucoup plus de configurations possibles. Cela entraine une pression accentuée sur les prix en zone urbaine », précise le CEO d’Allianz Real Estate, qui souligne en outre que les instances publiques, dans ce contexte, restent réticentes face au développement de projets de logements de petite taille. Enfin, une meilleure compréhension des évolutions des prix de l’immobilier, une meilleure information et une transparence accrue autour des actifs immobiliers, fait que le marché attire de manière globale plus d’épargne qu’il y a quelques années.

Un phénomène accentué au Luxembourg


Si cela se constate globalement, qu’en est-il du Luxembourg. « Ici, ces divers éléments se conjuguent plus qu’ailleurs pour créer un effet d’entrainement plus intense, reconnaît François Trausch. L’accroissement de la population, qui pourrait passer assez rapidement de 630.000 à 1 million d’habitants, y est important. De plus, les Luxembourgeois ont une appétence particulière pour l’immobilier, avec une part de cette classe d’actifs dans leur portefeuille d’épargne beaucoup plus importante que dans d’autres pays. Donc, si la hausse de prix n’est pas un phénomène luxembourgeois, on constate ici une amplification des éléments qui y participent. C’est comme cela, je pense, qu’il faut comprendre la crise du logement au Luxembourg. »

La conception, singulière au Luxembourg, que l’épargne passe par l’acquisition de son logement a tendance à renforcer la hausse des prix à l’acquisition. Pour François Trausch, on peut aussi constater un manque d’offre au niveau du marché locatif. « Il est étonnant qu’au Luxembourg, considéré comme une plateforme du Private Banking au niveau européen, on ne profite pas mieux du know-how disponible pour diversifier les possibilités d’épargne à travers diverses classes d’actifs, explique le CEO d’Allianz Real Estate. En Allemagne, être locataire est la manière la plus courante de se loger. Si les prix à l’acquisition augmentent fortement, rendant difficile l’accès à la propriété, et que les loyers n’augmentent pas dans les mêmes proportions, il peut être judicieux de considérer d’autres opportunités d’épargner. Il est cependant essentiel que l’offre locative soit suffisante sur le marché. Or, au Luxembourg, constatant les difficultés des grands employeurs à trouver des logements pour leurs équipes, il semble que ce ne soit pas le cas. »

Densifier et développer l’offre locative


Pour François Trausch, il y a une opportunité pour les institutionnels, comme le groupe Allianz, d’investir dans la création de logements locatifs de qualité, en contribuant à professionnaliser ce marché dans le respect du locataire, au Luxembourg et en Europe. « Dans cette perspective, il faut convaincre les promoteurs de s’inscrire dans une telle démarche, en les persuadant de l’opportunité de développer et de vendre en bloc, pour permettre à des investisseurs institutionnels de contribuer à ce marché en profitant de revenus récurrents liés à la location », explique-t-il.

La difficulté, cependant, est d’accompagner l’évolution de la demande. À ce niveau, François Trausch évoque la problématique de la lenteur administrative. « Si les villes ont la volonté d’aller de l’avant, la municipalité de Luxembourg a d’ailleurs multiplié les annonces de création de logements, il reste des freins. La lenteur administrative a un coût important, qui s’exprime dans l’allongement des délais de production, et ce partout en Europe, commente le CEO d’Allianz Real Estate. S’il y a lieu de garantir un développement harmonieux, s’inscrivant dans une logique de développement durable, il faut aussi trouver le moyen de résoudre cette problématique de vélocité. » Pour les acteurs de l’immobilier, il est aussi important de travailler collectivement pour persuader que la densification n’est pas un ennemi, au contraire. « Par exemple, à Paris, les immeubles haussmanniens ont une densité supérieure à des tours de 15 étages. C’est leur configuration spécifique qui rend cette densité acceptable. Si vous demandez à un Parisien où il souhaite vivre, il y a de forte chance qu’il vous réponde que l’idéal serait un appartement dans ce type d’immeuble. »

Pour François Trausch, le Kirchberg, est un modèle en matière de densification. « C’est un beau projet urbain, surtout si l’on considère d’où l’on vient : des champs traversés par une autoroute. Aujourd’hui, avec des immeubles en front de Boulevard et des prolongations en deuxième et troisième ligne, personne n’y est malheureux, explique-t-il. Il y a lieu, dès lors, de s’engager dans la voie de la densification, en cherchant à la rendre acceptable pour chacun. »


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