Si les temps de trajet ont toujours constitué un problème pour les personnes amenées à travailler à Luxembourg, la crise du Covid a rendu cette réalité d’autant plus complexe. Mais face à la hausse des prix de l’immobilier, il peut être difficile de rapprocher son logement du bureau. Dès lors, c’est le lieu de travail qui se rapproche du domicile…

Quoi de plus agréable que de disposer d’un logement tout proche de son lieu de travail ? Cela permet en effet de profiter de plus de temps libre, tout en évitant le stress des trajets, que ce soit en voiture ou en transports en commun. La recherche d’un tel confort de vie est sans doute ce qui, il y a dix ans encore, poussait de plus en plus de travailleurs à s’installer au Luxembourg. Mais cette tendance s’est ensuite inversée, en raison notamment de la hausse considérable du prix de l’immobilier, que ce soit à l’achat ou à la location. « La question, désormais, n’est plus de savoir si un travailleur est prêt à perdre un peu de pouvoir d’achat pour gagner en confort de vie, en louant ou en achetant près de son lieu de travail. Il faut aujourd’hui être prêt à sacrifier une grande partie de ses revenus pour profiter de cet avantage », estime Julie Auvray, Senior Consultant Office Agency au sein d’INOWAI.

Les entreprises prennent le taureau par les cornes

Face à ce constat, les particuliers se trouvent bien démunis. Suite à la crise du Covid, au cours de laquelle les collaborateurs ont expérimenté un télétravail à temps plein, ils sont désormais nombreux à ne plus accepter les trajets interminables entre leur domicile et leur lieu de travail, particulièrement les frontaliers. Déçus de devoir expérimenter un radical retour à la normale, ils pourraient décider de trouver un emploi dans leur région, quittant donc le Luxembourg. Or, c’est une menace que le tissu économique luxembourgeois souhaite à tout prix éviter, tant la demande en ressources humaines est importante et la tension sur le marché du travail élevée. « Au Luxembourg, 46 % des travailleurs sont frontaliers, poursuit Julie Auvray. Les employeurs cherchent donc à développer des stratégies qui permettront à cette force de travail de revenir au bureau, non pas sous la contrainte, mais avec un certain plaisir. »

La plus fameuse de ces stratégies est la création de bureaux satellites, aux frontières du pays, qui raccourcissent considérablement le temps de trajet des frontaliers. PwC a été l’une des premières structures à mettre en place ce type de solutions. « Nous en comptons aujourd’hui sept, et nous cherchons toujours de nouveaux locaux, notamment du côté de Windhof-Steinfort ainsi que dans le Nord, dans la zone d’Ettelbruck, Diekirch, détaille Dominique Laurent, Managing Director de PwC Luxembourg. Nous voulons que ces lieux soient le plus collaboratifs possible. Mais nous demandons à ceux qui en profitent de prester tout de même au moins un jour au siège, où nous organisons des formations ou d’autres activités pour lesquelles l’échange est fondamental. Nous avons la même exigence pour les résidents, qui composent tout de même 48 % de notre force de travail, et qui peuvent pratiquer le télétravail jusqu’à quatre jours par semaine. »

Il existe en outre une catégorie spécifique de travailleurs pour qui le télétravail, et le fait de s’installer loin de la capitale, n’est pas réellement une option. « Au vu de la tension qui existe sur le marché du travail, nous allons chercher nos collaborateurs, de plus en plus souvent, en dehors de la Grande Région : Kazakhstan, Grèce, Ukraine… Pour ces profils, qui sont souvent jeunes, il est inenvisageable de s’installer à Thionville ou Arlon. Ils veulent systématiquement vivre à Luxembourg », explique Dominique Laurent. Ces jeunes travailleurs se retrouvent souvent en colocation, dans un environnement peu propice au télétravail… ou alors sont très isolés dans de petits logements et préfèrent donc retrouver leurs collègues chaque jour au siège de l’entreprise.

Déménager pour être mieux situé

Si les bureaux satellites ont fait couler beaucoup d’encre au cours des derniers mois, il faut bien constater que la possibilité de louer ou d’acheter des bureaux supplémentaires aux frontières ne s’offre pas à toutes les entreprises. Il faut en effet disposer d’une certaine taille, d’un certain budget, et d’une certaine force de travail pour pouvoir se le permettre. D’autres stratégies sont alors déployées par les sociétés pour rendre leur localisation plus attractive aux yeux du plus grand nombre de travailleurs. « Certaines entreprises décident de changer de localisation pour se rapprocher de pôles de transports en commun ou d’axes autoroutiers. À défaut de réduire la distance entre le domicile des collaborateurs et le bureau, elles limitent ainsi leur temps de trajet, en augmentant leur confort quotidien, relève Julie Auvray. Il arrive aussi qu’après avoir sondé tous ses collaborateurs, l’entreprise décide de déménager son siège, en fonction de la provenance de la majorité de ses salariés. » Certains acteurs, souhaitant travailler leur image de marque, préféreront toutefois toujours garder leur siège au centre de Luxembourg-ville.

On constate donc qu’aujourd’hui, c’est davantage le bureau qui se rapproche du domicile des collaborateurs que l’inverse. Mais cette tendance est-elle amenée à durer dans le temps ? « On voit que la hausse des prix de l’immobilier ‘ancien’ tend à se ralentir, notamment en raison de l’augmentation des taux d’intérêt qui réduit le nombre d’acheteurs potentiels, explique la consultante d’INOWAI. Une autre piste serait de convertir la voiture de société, généralement incluse dans les packages salariaux, en une aide au logement offerte au travailleur. Cette mesure aurait également un impact favorable sur l’environnement. Reste à voir si une telle aide pourrait être défiscalisée de la même façon que l’est la voiture de société aujourd’hui. »

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